1.1. Le consommateur
La loi du 22 avril 2016 s’applique aux preneurs de crédit qui ont la qualité de consommateur. Cette notion n’est pas adaptée pour les besoins de la loi, et l’on se référera donc à la définition “classique” du consommateur contenue à l’article I.1, alinéa 1, 2° du Code de droit économique et définie comme “toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale”. Le but dans lequel un crédit est octroyé détermine donc la qualité de consommateur ou non de l’emprunteur personne physique.
À l’égard des emprunts dits “mixtes”[1], étant entendu lorsqu’une personne physique emprunte tant à des fins professionnelles que privées, il convient de constater que l’affectation “privée” du crédit n’est pas exclusive. La Directive 2014/17/UE précise d’ailleurs, dans son considérant 12, que “en cas de contrats à double finalité, lorsque le contrat est conclu à des fins qui n’entrent qu’en partie dans le cadre de l’activité commerciale ou professionnelle de l’intéressé et lorsque la finalité commerciale ou professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global du contrat, cette personne devrait également être considérée comme un consommateur”.
Si le pouvoir d’appréciation de la qualité de consommateur ou non d’un emprunteur revient in fine au juge saisi d’un litige sur cette question, il suffira que le but de l’opération financée soit “principalement” privé pour que celle-ci tombe sous le champ d’application de la loi[2]. Les prêteurs devront quoi qu’il en soit faire preuve de prudence : comment qualifier le crédit consenti à un médecin qui achèterait un immeuble à deux niveaux en installant son cabinet sur l’un de ceux-ci[3] ? En pratique, la Banque proposera deux crédits.
1.2. Le prêteur
La définition de l’article I.9, 34° du Code de droit économique demeure. Ainsi, le prêteur visé par la loi du 22 avril 2016 est toute personne physique ou morale qui consent un crédit dans le cadre de ses activités commerciales ou professionnelles, à l’exception de la personne qui offre ou conclut un contrat de crédit lorsque ce contrat fait l’objet d’une cession ou d’une subrogation immédiate au profit d’un prêteur agréé ou enregistré[4], désigné dans le contrat[5].
Dès que le prêteur exerce son activité professionnelle en Belgique ou dirige cette activité vers la Belgique, le contrat de prêt qu’il entend conclure avec le consommateur est soumis à la loi du 22 avril 2016[6].
Le prêteur particulier n’est pas soumis à la loi[7].
En revanche, le professionnel consentant un ou plusieurs prêts dans le cadre de son activité professionnelle, sans que cette dernière ne soit l’octroi de crédit, est bel et bien soumis à la loi[8]. Ce professionnel doit-il pour autant être enregistré comme prêteur auprès de la FSMA ? La réponse à cette question n’est pas claire. Selon une première interprétation de l’article VII. 159[9], seuls les professionnels exerçant l’activité de prêteur en ordre principal seraient tenus d’être agréés et enregistrés[10].
Cette question revêt une certaine importance dans la mesure où l’article VII. 209, § 3 du Code de droit économique prévoit une sanction civile pouvant être infligée au prêteur en cas d’absence d’enregistrement auprès de la FSMA[11]. Les travaux préparatoires exposent à cet égard, dans l’exposé des motifs de la loi, que “seul un prêteur agréé en vertu de la loi peut octroyer un crédit. Les personnes qui, via la médiation d’un notaire, se proposeraient, en vue d’investir, d’octroyer un crédit à un “parfait inconnu” doivent être considérées comme un prêteur et l’opération relève en principe de l’application du livre VII”[12]. La prudence reste de mise : un crédit consenti par une entreprise étrangère à l’activité de prêteur à une personne n’étant pas un “parfait inconnu” entraîne-il l’obligation d’enregistrement de cette entreprise en tant que prêteur ?
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[1] Pour un examen de cette notion, M. Higny, « La notion de consommateur et l’usage mixte en matière de vente de biens de consommation », note sous Com. Hasselt, 1ère chambre, 21 novembre 2007, D.C.C.R., 2009, n°83, p. 162.
[2] F. de Patoul, « Le champ d’application des dispositions légales relatives aux crédits réglementés », in Les crédits réglementés – Gereglementeerde kredieten, Cahiers AEDBF, n° 24, Intersentia-Anthemis, 2012, pp. 15 à 18 ; voy. également P. D’HAEN et P. HEYMANS, op. cit., p. 9.
[3] Si l’on en revient au considérant 12 de la directive 2014/17/UE, sans doute faudrait-il conclure, dans un tel cas d’ “égalité” entre l’affectation privée et l’affectation professionnelle, qu’à défaut de “prédominance” de la finalité professionnelle, l’emprunteur doit être considéré comme un consommateur.
[4] Voir les articles VII. 147/17 à 19 du Code de droit économique.
[5] Dans ce dernier cas, le cédant est soumis au régime des intermédiaires de crédit.
[6] Art. VII.2, § 2, 1° et 2° du Code de droit économique.
[7] Sous l’emprise de l’ancienne loi sur le crédit hypothécaire du 4 août 1992, le particulier qui accordait un prêt, à certaines conditions, était soumis à la loi.
[8] F. DE PATOUL, op. cit., p. 18. Ceci est confirmé par les travaux préparatoires (Doc. 1685/001, p. 10) : “L’octroi de crédits en soi ne doit pas nécessairement être l’activité professionnelle du prêteur. Un vendeur qui octroie le paiement à crédit pour les marchandises qu’il vend est un prêteur selon la définition de la loi. Un employeur qui octroie un prêt à un de ses travailleurs, même lorsque les activités de l’entreprise sont étrangères à l’octroi de crédit, est également un prêteur”. En revanche, si celui qui prête agit pour des raisons totalement étrangères à l’exercice d’une activité professionnelle (par exemple pour un ami), et sans but lucratif, n’est pas visé par la loi.
[9] « §1. Nul ne peut exercer en Belgique l’activité de prêteur, s’il n’est au préalable agréé ou enregistré par la FSMA. Nul ne peut porter le titre de prêteur, pour indiquer l’activité de prêteur visé par le présent livre, s’il n’est au préalable agréé ou enregistré par la FSMA”.
[10] Peut-être la FSMA considère-t-elle a contrario que ces professionnels doivent être enregistrés et qu’ils sont ceux visés par la liste des “autres prêteurs” reprise à l’article VII. 172, al. 1, 1° f), liste actuellement vide et en cours d’élaboration au moment de terminer ces lignes.
[11] Il s’agit de la perte des intérêts sur le crédit. Cette réflexion a déjà été abordée, de manière non conclusive, par P. D’HAEN et P. HEYMANS, op. cit., p. 11.
[12] Doc. Parl., 1685/001, p. 10.