Il est fréquent que les prêteurs proposent à leurs clients la souscription de contrats « accessoires » au contrat de crédit, généralement en contrepartie d’un taux d’intérêts plus avantageux sur le crédit conclu. Ces contrats peuvent être un contrat de compte à vue, une assurance incendie, un coffre-fort ou un contrat d’assurance solde restant dû.
L’offre conjointe
Le Code de droit économique réglemente les « offres conjointes ». L’offre conjointe est définie comme « l’offre liant à l’acquisition de biens ou de services, gratuite ou non, l’acquisition d’autres biens ou services »[1]. Elle est, en principe, interdite lorsque l’un de ses éléments consiste un service financier effectué par la même entreprise ou plusieurs entreprises ayant un but commun[2]. Par dérogation à ce principe, il est permis d’offrir conjointement des services financiers « qui constituent un ensemble ». Généralement, à l’instar du crédit à la consommation, l’offre de crédit accompagnée de la souscription d’une assurance solde restant dû ou d’une ouverture de compte constituent un ensemble au sens de la loi[3].
La question des contrats accessoires aux contrats de crédit constitue l’un des éléments les plus importants de la loi ici commentée. Force est de constater à cet égard que le législateur a peu entendu les associations de défense des consommateurs sur ces questions, se contentant principalement de transposer la Directive.
La formule d’adjonction par les prêteurs de contrats accessoires est généralement critiquée par les associations de défense des consommateurs dans la mesure où elle manque parfois de transparence et peut aboutir, dans certaines situations, à voir le consommateur bénéficier d’un taux d’intérêts extrêmement avantageux sur son crédit, tandis que les primes d’assurances versées sont tout l’inverse. Un certain nombre de parties prenantes impliquées dans l’élaboration de la nouvelle loi souhaitaient ainsi que la vente groupée soit limitée, ou qu’à tout le moins, le prêteur soit contraint à maintenir le rabais consenti pendant toute la durée du contrat, même si le consommateur change de compagnie d’assurances. L’OCDE, notamment, a pour sa part émis plusieurs fois la recommandation, à l’attention de la Belgique, de mettre un terme à la pratique de réduction du taux consenti sur un crédit en cas de souscription d’un contrat d’assurance annexe[4].
Le législateur a décidé de ne pas suivre cette piste[5] en motivant sa décision par plusieurs arguments[6]. Si certains relèvent selon nous du prétexte (tels que celui de ne pas prendre de mesure plus stricte que celles contenues dans la directive, ou celui en vertu duquel les prêteurs seraient le cas échéant moins enclins à accorder une réduction du tarif appliqué), d’autres nous paraissent plus pertinents. Partant du principe que le consommateur a la possibilité de résilier son contrat d’assurance chaque année, le consommateur dispose de la liberté de changer d’assureur s’il s’avère plus intéressant pour lui de conclure une assurance moins chère que de bénéficier du tarif réduit sur son crédit. Grâce à l’ESIS, le consommateur peut facilement comparer les différents prix et tarifs pour prendre une décision en pleine connaissance de cause.
La nouvelle loi impose que les contrats « annexes » ne puissent être que des contrats d’assurance du solde restant dû sur le crédit ou, lorsqu’il n’y a pas d’amortissement du capital, une assurance décès temporaire à capital constant couvrant le risque de décès. Le contrat d’assurance doit, dans un tel cas, être conventionnellement destiné à garantir le remboursement du crédit consenti par le prêteur. La loi permet également la souscription de deux autres types de police d’assurance : celle couvrant le risque de dégradation de l’immeuble offert en garantie, ou l’assurance caution[7].
Le contrat d’assurance (ou tout autre document écrit) doit mentionner spécifiquement le crédit auquel le contrat se rapporte, et les obligations du consommateur.
Interdiction de la vente liée
Dans le même ordre d’idées, le futur article VII. 147 du Code de droit économique interdit la vente liée. Par vente liée, le législateur entend le fait de « proposer ou de vendre, sous forme de lot, un contrat de crédit en même temps que d’autres produits ou services financiers distincts, lorsque le contrat de crédit n’est pas proposé au consommateur séparément »[8]. Il est par ailleurs interdit au prêteur d’obliger directement ou indirectement le consommateur à souscrire le contrat annexé auprès d’un assureur que le prêteur aura lui-même désigné[9]. En d’autres termes, le prêteur devra toujours offrir au consommateur la possibilité de conclure un contrat de crédit, sans qu’il ne puisse s’immiscer dans le choix, par le consommateur, de l’assureur auprès duquel il entendrait souscrire une police d’assurance solde restant dû.
Autorisation de la vente groupée
La vente groupée, est, par contre, autorisée. Elle est définie comme « le fait de proposer ou de vendre, sous forme de lot, un contrat de crédit en même temps que d’autres produits ou services financiers distincts, le contrat de crédit étant aussi proposé au consommateur séparément, mais pas nécessairement aux mêmes conditions que lorsqu’il est proposé de manière groupée avec les services accessoires »[10]. Le “tarif combiné” présentant une réduction du taux d’intérêts sur le contrat de crédit en cas de souscription à une assurance solde restant dû auprès du prêteur ou par son intermédiaire, reste donc permis.
Il est également toujours permis au prêteur de conditionner la réduction du taux d’intérêts initialement convenu au maintien en vigueur du contrat accessoire conclu ou à d’autres conditions à respecter par le consommateur. La disparition de la condition entraîne la caducité de la réduction consentie, mais ne peut en aucun cas entraîner l’application d’un taux d’intérêts plus élevé que celui initialement convenu[11].
Pour assurer l’effectivité du respect de l’interdiction de la vente liée, le législateur prévoit que le consommateur doit avoir le libre choix du prêteur, de l’assureur, de l’intermédiaire ou du tiers auprès duquel il contracte un service accessoire, et que la charge de la preuve de ce que le consommateur a eu ce libre choix incombe au prêteur et à l’intermédiaire de crédit.
[1] Article I.8, 21° du Code de droit économique.
[2] Article VI. 81 du Code de droit économique.
[3] Voy. J.-M. BINON, “Assurances-vie liées à un crédit hypothécaire”, in Droit des assurances de personnes, Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 121-127.
[4] Etudes économiques de l’OCDE, Belgique, Volume 2007/3, p. 126.
[5] Notons que le législateur aurait pu, ceci étant, être plus « sévère » dans la mesure où la Directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances lui laissait explicitement, en son article 24, la possibilité de ne pas proposer séparément au consommateur des contrats d’assurances annexes à un contrat de crédit hypothécaire.
[6] Doc. Parl., 1685/003, p. 7.
[7] Article VII. 146, § 1, al. 2 du Code de droit économique.
[8] Article I.9, 88° du Code de droit économique.
[9] Article VII. 146, § 2, al. 2.
[10] Article I.9, 89° du Code de droit économique.
[11] Article VII. 143, 6°.