Comment conclure un contrat de crédit hypothécaire ?

1.Généralités et contenu du contrat

Le contrat de crédit est conclu par la signature manuscrite ou électronique du consommateur et est établi sur un support durable reprenant l’ensemble des conditions contractuelles. Ce support peut être l’offre de crédit à proprement parler, pour autant que celle-ci soit complète. La question de la signature électronique doit se lire en parallèle avec le Règlement 910/2014 « eIDAS »[1], en vigueur depuis le 1er juillet 2016. Celui-ci sera ultérieurement complété par le « Digital Act » en droit belge, toujours en projet à l’heure d’écrire ces lignes[2].

Pour une ouverture de crédit avec une destination mobilière, soumis au droit de rétractation, le consommateur fait précéder sa signature de la mention du montant du crédit : “Lu et approuvé pour… euros à crédit “. Pour tous les autres contrats de crédit avec une destination mobilière et soumis au droit de révocation, le consommateur fait précéder sa signature de la mention du montant total dû par le consommateur : “Lu et approuvé pour… euros à rembourser[3].

Les termes “révocation” et “rétractation” respectivement employés par le législateur font penser à une différence de traitement sur la question entre les deux types de crédit, mais ont visiblement été utilisés de manière synonymique, la version néerlandaise de la loi employant d’ailleurs le terme unique “herroepingsrecht” dans les deux cas.

Dans les deux cas, le consommateur appose également la date et de l’adresse précise de la signature du contrat.

La loi précise expressément toutes les mentions qui doivent figurer dans le contrat de crédit, le cas échéant dans l’offre. Sans que l’on soit exhaustif, citons entre autres les coordonnées des parties en ce compris celles de l’intermédiaire, la durée et le montant du contrat, les conditions de prélèvement, les taux périodiques et débiteurs, les conditions régissant l’application de ces taux, le TAEG et le montant total dû par le consommateur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit, la procédure de résiliation du contrat de crédit, une clause relative à l’enregistrement dans la Centrale des Crédits aux Particuliers, les frais de dossier le cas échéant, etc.[4]

Le contrat mentionne également “de façon claire et concise”[5] si le crédit est utilisable au moyen d’un instrument de paiement et les règles applicables en cas de perte, vol ou usage abusif de l’instrument[6], un tableau d’amortissement détaillé le cas échéant, les époques et conditions auxquelles les intérêts doivent être payés, les paiements reconstitutifs à effectuer ainsi que l’obligation que le capital du contrat adjoint soit utilisé pour le remboursement du montant de crédit prélevé dans le cas d’un capital à reconstituer, les frais de tenue du compte éventuellement destiné à enregistrer tant les opérations de paiement que les prélèvements, etc. Un avertissement relatif aux conséquences des paiements manquants doit être repris, ainsi que, le cas échéant, l’existence de frais notariaux, les sûretés et assurances exigées, l’existence ou l’absence d’un droit de rétractation, la période durant laquelle ce droit peut être exercé et les autres conditions pour l’exercer, le droit au remboursement anticipé, la procédure à suivre ainsi que des informations sur le droit du prêteur à une indemnité et le mode de détermination de celle-ci, etc.

Les informations peuvent être obligatoires, facultatives ou sans objet selon que le crédit octroyé ait une destination mobilière ou immobilière, et le lecteur s’en référera au texte de loi pour une exhaustivité particulière sur ces questions[7].

2. Le cas de la reconstitution du capital

Pour le cas des crédits avec reconstitution du capital[8], sur lequel nous n’étendrons pas notre propos, la loi du 22 avril 2016 impose que la reconstitution s’effectue par un contrat adjoint au contrat de crédit, lequel ne peut être qu’un contrat d’assurance-vie, un contrat de capitalisation ou une autre constitution d’épargne.

Le capital reconstitué doit être, à tout moment, la valeur de rachat ou le capital constitué en cas de contrat d’assurance-vie ou de capitalisation ou le capital déjà épargné dans les autres cas de contrats d’épargne. La reconstitution ne peut porter sur un montant supérieur au capital ou, après un remboursement partiel, au capital restant à rembourser.

3. Droit et délai de rétractation après conclusion du contrat

Si le crédit hypothécaire avec destination immobilière laisse au consommateur, entre l’offre de crédit et la signature de celui-ci, un délai de réflexion de quatorze jours, maintenant obligatoirement l’offre de crédit pendant ce délai, la nouvelle loi prévoit également, au bénéfice du consommateur, un droit de rétractation discrétionnaire valable pendant un délai de quatorze jours à dater de la conclusion du contrat, pour les ouvertures de crédit hypothécaires avec destination mobilière et ne s’accompagnant pas de la constitution d’une sûreté hypothécaire[9].

Ce droit de rétractation s’applique également aux crédits à la consommation en cours et couverts par une hypothèque pour toutes sommes existante, dans le cadre d’une « reprise d’encours »[10].

Le délai de ce droit de rétractation commence à courir le jour de la conclusion du contrat de crédit. La rétractation du contrat de crédit (par recommandé ou tout autre support accepté par le prêteur) entraîne la résolution de plein droit des contrats de services accessoires et des restitutions réciproques. Ainsi, si des biens ont été mis à la disposition du consommateur entre la signature du contrat et l’exercice du droit de rétractation, ce dernier restitue, immédiatement après la notification de la rétractation, les biens qu’il a reçus et paie au prêteur les intérêts dus pour la période de prélèvement du crédit[11].

S’il s’agit d’un autre contrat de crédit que celui précité, le consommateur doit rembourser au prêteur le capital et les intérêts cumulés sur ce capital depuis la date à laquelle le crédit a été prélevé et jusqu’à la date à laquelle le capital est payé, sans retard indu, et au plus tard trente jours calendaires après avoir envoyé la notification de la rétractation au prêteur.

En aucun cas le prêteur ne peut réclamer une indemnité versée par le consommateur, excepté pour les frais non récupérables que le prêteur aurait éventuellement payés à une institution publique[12].

Les paiements qui sont effectués après la conclusion du contrat de crédit sont remboursés au consommateur dans les trente jours suivant la rétractation.

Les dispositions légales liées au droit de rétractation ne se combinent pas avec celles prévues pour les contrats conclus à distance et portant sur des services financiers. Le livre VI du Code de droit économique exclut d’ailleurs expressément le crédit hypothécaire de son champ d’application[13], et vice-versa[14].

4. Clauses contractuelles abusives

Les articles VII 139 à 147/2 du Code de droit économique stipulent une série de clauses abusives qui répondent généralement au souhait du législateur d’éviter un déséquilibre des relations contractuelles.

Ces clauses touchent aux paiements qui pourraient être stipulés à charge du consommateur[15], au calcul des intérêts débiteurs et de la variabilité du taux périodique, au taux débiteur, aux coûts (limitation des frais de dossier au crédit à vocation immobilière, frais d’expertise, etc.) et aux conditions contractuelles, aux services accessoires et à la vente liée interdite (voir infra), et aux garanties non autorisées.

Il nous semble opportun de relever que, dans le cas d’un crédit hypothécaire avec destination mobilière, est réputée non écrite toute clause prévoyant une commission de réservation, étant entendue l’indemnité payable par le consommateur en cas de non prélèvement de tout ou partie du montant de crédit, et que l’on retrouve généralement dans les crédits d’investissement consentis aux professionnels[16].

Pour le cas d’un crédit hypothécaire à vocation immobilière, une telle clause reste néanmoins permise, pour autant que l’indemnité visée ne puisse être réclamée pendant une période supérieure à deux ans[17]. L’indemnité peut être par ailleurs limitée par arrêté royal.

D’autres dispositions, non qualifiées d’abusives mais tout autant interdites, se retrouvent dans la loi, telles qu’au sujet de certaines garanties non autorisées[18].

Ces clauses abusives spécifiques n’empêchent nullement l’application du droit commun de la matière, visé aux articles VI. 82 à VI. 87 du Code de droit économique[19].

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[1] Règlement (UE) n ° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE.

[2] http://www.digitalbelgium.be, consulté le 27 juillet 2016. Voy. également Doc. Parl., 54 1428/005, p. 23.

[3] Le terme “ouverture de crédit” est utilisé comme étant une variété du contrat “générique“de “crédit” tel que défini à l’article I.9, 39° du Code de droit économique. L’ouverture de crédit (point 48° de l’article précité – mise à disposition d’une réserve et contrat consensuel) se différencie du contrat de prêt à intérêt (point 49° de l’article précité – remise de fonds et contrat réel). Voy. sur ces questions l’abondante littérature s’étant développée autour de la déchirante, mais non moins passionnante question de l’indemnité de remploi lors d’un remboursement anticipé d’un contrat qualifié tantôt de crédit ou ou de prêt à intérêt et l’application de l’article 1907 bis du Code civil au second et non au premier, et un article d’un auteur de ce blog.

[4] Article VII. 134, § 2 du Code de droit économique.

[5] Article VII. 134 § 3 du Code de droit économique.

[6] Voir le chapitre V du livre VII du Code de droit économique sur les règles applicables en la matière.

[7] Ainsi, par exemple, l’utilisation du crédit au moyen d’un instrument de paiement, ou l’indication des frais de compte ne sont opportuns que pour le crédit à vocation mobilière.

[8] Article VII. 135 du Code de droit économique.

[9] Article VII. 138 du Code de droit économique.

[10] Doc. Parl., 1685/003, p. 8.

[11] Article VII. 138, § 2, 2° du Code de droit économique.

[12] Le mécanisme est identique pour le crédit à la consommation, voy. art. VII. 83 du Code de droit économique.

[13] Article VI. 58, § 2, 3° du Code de droit économique.

[14] Article VII. 138, § 4 du Code de droit économique.

[15] Voy., sous l’égide de la future ancienne loi mais conservant sa pertinence, C. BIQUET-MATHIEU, “Crédit hypothécaire et crédit d’investissement – indemnités, frais et pénalités”, in Le crédit hypothécaire, actualités et réponses pour la pratique, op. Cit., p. 132 et s.

[16] Sur les commissions de réservation et indemnités de non-prélèvement, voy. C. BIQUET-MATHIEU, op. Cit., p.. 136 et 137. Selon nous, la commission de réservation est un élément caractéristique d’une ouverture de crédit.

[17] Article VII. 140, al. 1 et 2 du Code de droit économique.

[18] Articles VII. 147/1 et 147/2.

[19] Voy. N. VANDENBERGHE, « Les clauses abusives et leurs sanctions » in Contrats et protection des consommateurs (dir. C. VERDURE), Anthémis, Limal, 2016, pp. 47 et s.

par Anders Noren.

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