1. Un délai de zérotage pour les crédits à destination mobilière
La loi du 22 avril 2016 impose aux prêteurs de fixer un délai de zérotage (remise à zéro) pour les contrats de crédit à destination mobilière d’une durée indéterminée ou à durée déterminée dépassant cinq années[1]. Le prêteur rappellera au consommateur son obligation de zérotage au plus tard deux mois avant l’expiration du délai prévu. Cette disposition est logiquement similaire à l’article VII. 95 du Code de droit économique relatif au crédit à la consommation[2]. La forme que doit prendre le rappel du prêteur quant à son obligation de zérotage n’est pas précisée dans la nouvelle loi.
2. Le remboursement anticipé du crédit
La possibilité pour un consommateur de rembourser anticipativement son crédit et le montant de l’indemnité qui peut être réclamé par le prêteur ne suscite pas autant de passions que celles observées durant la dernière décennie à l’occasion de cas de remboursements anticipatifs de prêts ou crédits sollicités par un professionnel[3].
Depuis l’entrée en vigueur des premières lois protectrices des consommateurs en matière de crédit, le remboursement anticipé de la totalité du solde du crédit hypothécaire par le consommateur est autorisé à tout moment. Le remboursement partiel peut être contractuellement interdit au consommateur, pour autant que cette interdiction n’empêche pas la possibilité pour le consommateur de procéder à un remboursement partiel une fois par année civile ou de rembourser un montant égal à un minimum de 10 % du capital[4].
En cas de remboursement anticipé, seule une indemnité de remploi peut être stipulée par le prêteur, pour autant qu’elle n’excède pas trois mois d’intérêts, le calcul s’effectuant au taux périodique du crédit sur le montant restant dû[5], proportionnellement s’il s’agit d’un remboursement partiel[6].
Cette indemnité ne peut être appliquée si les obligations du consommateur ont été réduites en suite du non-respect par le prêteur de certaines dispositions[7] ou dans le cas d’un remboursement remboursement consécutif à un décès, en exécution d’un contrat annexé ou adjoint, ou en cas d’une ouverture de crédit qui constitue un crédit hypothécaire avec une destination mobilière.
Sur le plan économique, la limitation obligatoire de l’indemnité de remploi maximale pouvant être réclamée par le prêteur présente des avantages et des inconvénients pour le consommateur concluant un contrat de crédit[8].
(voy. une analyse récapitulative sur le plan juridique-économique-historique sur ce site)
Au rayon des avantages, le consommateur dispose de la liberté de rembourser anticipativement sa dette, que ce soit pour en être quitte ou pour se refinancer à des conditions plus avantageuses auprès d’un prêteur généralement concurrent. Le consommateur acquiert également la certitude de ne devoir au prêteur qu’un montant raisonnable à titre d’indemnité en cas de remboursement anticipé. Il lui est aisé de calculer le montant dû, tandis que le calcul d’une indemnité de remploi non limitée légalement, même sur des bases déterminées et déterminables, est plus complexe, s’agissant de calculs actuaires sur la durée du crédit restant à courir basés sur le différentiel entre un taux de funding[9] (le prêteur étant théoriquement tenu de poursuivre le paiement des intérêts sur le marché interbancaire) et le taux auquel les fonds remboursés seront replacés sur le marché[10].
En cas de baisse des taux d’intérêts telle que celle enregistrée en Belgique au cours des dernières années, une indemnité de remploi non limitée en cas de remboursement anticipé peut s’avérer coûteuse, sans que l’on puisse pour autant réussir à reprocher au prêteur une forme d’abus, l’indemnité de remploi ayant avant tout un caractère indemnitaire.
L’indemnité peut également se concevoir au regard du principe pacta sunt servanda[11] à l’égard des crédits consentis à des professionnels et qui, généralement, prévoient une interdiction de remboursement anticipé. Dans un tel cas, le remboursement anticipé consiste en la conclusion d’une nouvelle convention prévoyant le paiement d’une indemnité de rupture correspondant au montant de l’indemnité de remploi[12].
En ce qui concerne les inconvénients subis par le consommateur, en pratique, de nombreux prêteurs répercutent, dans le taux d’intérêt appliqué aux contrats de prêt et de crédit conclus avec les consommateurs, le coût individualisé de la couverture globale à laquelle ils souscrivent sur les marchés financiers et qui leur permet de couvrir le dommage subi par les prêteurs[13] en cas de remboursement anticipé. Ce report, sur le consommateur, du coût supplémentaire que le prêteur supporte pour s’assurer entraîne une hausse du taux d’intérêts conventionnel qui est en réalité inutile si le consommateur exécute ses obligations jusqu’au terme convenu contractuellement.
[1] Article VII. 147/10, § 2.
[2] Un arrêté royal similaire à celui du 4 août 1992 relatif aux coûts, aux taux, à la durée et aux modalités de remboursement du crédit à la consommation, ou modifiant ce dernier sur ce sujet devrait être adopté dans un futur proche.
[3] Voy. Supra, note 117. Ces débats devraient théoriquement perdre leur actualité au fil du temps compte tenu de l’entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2013 relative au financement des petites et moyennes entreprises qui limite de manière obligatoire l’indemnité de remploi maximale pouvant être réclamée par le prêteur. Voy. la contribution ad hoc, dans cet ouvrage, de J.-P. BUYLE.
[4] Article VII. 147/11, § 1, al. 2. L’on suppose, mais sans certitude, que le législateur a entendu fixer ce pourcentage sur le capital restant encore à rembourser et non sur le capital initial du crédit.
[5] Article VII. 147/12.
[6] Sur cette question, malgré la demande des prêteurs d’augmenter l’indemnité de remploi pour compenser la perte subie par ceux-ci en cas d’un refinancement autrement que par l’application d’un taux d’intérêt plus élevé que si la liberté contractuelle était de mise, le législateur a maintenu la limitation forfaitaire trimestrielle de l’indemnité de remploi.
[7] Reprises dans les nouveaux articles VII. 209 et VII. 210 du Code de droit économique.
[8] Le contrat de prêt à intérêts est laissé en-dehors de cette sous-discussion.
[9] C. CORMET, Le remboursement anticipé (prepayment) du prêt à taux fixe, Revue de droit bancaire et financier, Janvier-Février 2008, p. 22.
[10] Sans compter qu’en réalité, cette “simple” différence peut, en fonction des techniques utilisées par le prêteur (notamment les techniques de couverture du risque de remboursement anticipé), ne pas correspondre à la perte réelle subie par ce dernier. Cette matière passionne l’auteur mais n’est pas l’objet de la présente contribution. Nous renvoyons, pour aller plus loin, à M.-D. WEINBERGER, Funding loss… in translation, D.B.F., 2014, pp. 3 et s.
[11] K. TROCH, « De wederbeleggings- en funding loss – vergoeding bij vervroegde terugbetaling van commerciële kredieten met bepaalde duur », Rev. dr. fin., 2002, p. 253.
[12] Pour aller plus loin, outre les références citées, et à titre non-exhaustif : Bruxelles, 11 avril 2000, in La banque dans la vie de l’entreprise, Ed. Jeune Barreau de Bruxelles, 2005, p. 339 et 347 ; Gand, 9 avril 2003 R.W., 2005-2006, p. 978 avec observations L. VAN DEN STEEN ; Anvers, 2 octobre 2003, R.D.C., 2005, p. 174, avec note BUYLE, J.P. et M. DELIERNEUX ; Anvers, 1 avril 2004, Inédit, RG 2002/A/2093. ; Bruxelles, 11 juin 2009, D.A.O.R., 2009/91, p. 338; Mons, 11 juin 2009, J.L.M.B., 2010, p. 934; Liège, 10 septembre 2013, no 2012/RG/305. En doctrine, P.-A. FORIERS et A.-F. DELWAIDE, « La sanction des manquements de l’emprunteur : les montants dus en cas d’inexécution », in Le crédit à la consommation, éd. Jeune barreau de Bruxelles, 1997, pp. 146 et 156 ; J.CATTARUZZA, « Le crédit bancaire » in G.U.J.E., livre 45, no 390 ; D. VERHAEGEN et D. PURNAL, “De vervroegde terugbetaling van commerciële kredieten: de ‘funding loss’-vergoeding revisited”, Liber Amicorum Achilles Cuypers, Larcier, 2009, p. 331 et les références citées.
[13] Il est à noter que dans le cas de certains prêteurs, qui ne recourent pas à la technique du funding et prêtent sur leurs fonds propres, l’indemnité de remploi correspond uniquement à un manque à gagner du fait de ne pas avoir vu la convention de crédit conclue menée à son terme.