Taxonomy : what’s in a name? (épisode 2)

Nous l’indiquions dans notre premier article relatif à la finance durable, les enjeux climatiques font à présent partie des préoccupations du secteur financier.

Afin de mesurer au mieux les enjeux de cette (r)évolution verte, droitbancaire.be revient dans cet article sur le contexte historique qui a mené aux modifications réglementaires et se penche sur la « Taxonomie » européenne.

La finance durable en Europe : perspectives historiques

Le 25 septembre 2015, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (ci-après dénommé « Programme à l’horizon 2030 »).

Le Programme à l’horizon 2030 s’articule autour des objectifs de développement durable et il se fonde sur trois dimensions de durabilité : économique, sociale et environnementale.

L’accord de Paris a été approuvé par l’Union le 5 octobre 2016. Il a entre autres pour objet de renforcer la riposte à la menace des changements climatiques en rendant les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques.

La communication de la Commission du 22 novembre 2016 intitulée « Prochaines étapes pour un avenir européen durable » fait le lien entre les objectifs de développement durable et le cadre d’action de l’Union de sorte que toutes les actions et initiatives stratégiques de l’Union, doivent integrer dès le départ les objectifs de développement durable. Dans la foulée, un groupe d’expert (High-Level Expert Group) est constitué.

Dans ses conclusions du 20 juin 2017, le Conseil a confirmé que l’Union et ses États membres avaient la volonté de mettre en œuvre le Programme à l’horizon 2030 de manière complète, cohérente, globale, intégrée et effective.

Le 31 janvier 2018, le High-Level Expert Group a publié son rapport final, qui offre une vision globale sur la manière d’élaborer une stratégie en matière de finance durable pour l’UE. rapport, une finance durable doit satisfaire à deux impératifs : 1) améliorer la contribution du système financier à la croissance durable et inclusive en finançant les besoins à long terme de la société; 2) renforcer la stabilité financière en intégrant les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (facteurs ESG) dans la prise de décisions en matière d’investissement.

Le 8 mars 2018, la Commission a publié son « Plan d’action : financer la croissance durable », qui reprend les recommandations du groupe d’experts et lance une stratégie globale ambitieuse en matière de finance durable. L’un des objectifs annoncés dans ce plan d’action est de réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables en vue de parvenir à une croissance durable et inclusive.

Le 11 décembre 2019, la Commission a publié sa communication intitulée « Un pacte vert pour l’Europe ». Le pacte vert pour l’Europe vise à transformer l’Union Européenne en une économie moderne, efficace dans l’utilisation des ressources et compétitive, garantissant la fin des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2050 et une croissance économique dissociée de l’utilisation des ressources.

Le 12 décembre 2019, le Conseil européen a adopté des conclusions sur le changement climatique.

Le Règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 (le « Règlement Taxonomie ») s’inscrit dans ce contexte historique et le Plan Finance Durable du Pacte Vert annoncé par la Commission européenne. Il constitue une étape considérée comme essentielle vers l’objectif d’une Union neutre pour le climat d’ici à 2050.

La Taxonomie : qu’est-ce que c’est ?

Le Règlement Taxonomie instaure des règles de classification et d’information en vue de fournir à tous les acteurs financiers et non financiers une compréhension commune de ce qui doit être considéré comme une activité économique durable.

Ceci permet, d’une part, d’encourager les entreprises à développer des activités durables et respectueuses des enjeux environnementaux et d’autre part, d’inciter les investisseurs à financer de tels projets poursuivis par les entreprises dans une vision de long terme. L’idée est de promouvoir la finance durable tout en évitant les risques de “greenwashing“.

Le Règlement Taxonomie repose sur deux types de règles : des règles de classification des activités économiques et des règles en matière d’information imposées aux acteurs financiers et aux entreprises non financières en relation avec ces activités.

Les règles de classification du Règlement Taxonomie

La mise en place d’un système de classification unifié des activités durables est la mesure la plus importante envisagée dans le Plan d’action du 8 mars 2018.

Préalablement au Règlement Taxonomie, plusieurs États membres disposaient de systèmes de label (en Belgique, The Towards Sustainability Initiative). Ces labels reposent sur différents systèmes de classification des activités économiques durables sur le plan environnemental et utilisent des critères potentiellement différents.

Le Plan d’action reconnaît la nécessité de se fonder sur une compréhension commune et globale de la durabilité environnementale des activités et des investissements en vue de réorienter les flux de capitaux vers des activités plus durables. 

Au sein des règles de classification, il convient de distinguer deux notions : celle d’activités économiques durables, également dénommées activités économiques « alignées » sur la taxonomie, et celle d’activités « éligibles » à la taxonomie. Ce sont ces deux notions qui déterminent l’information que devront fournir les entreprises concernées.

Quelles sont les activités « alignées » ?

Les activités économiques durables (les activités « alignées »), sont définies à l’article 3 du Règlement Taxonomie.

Ces activités doivent :

  • apporter une contribution substantielle à l’un ou plusieurs des six objectifs environnementaux suivants : atténuation du changement climatique ; adaptation au changement climatique ; protection et utilisation durable des ressources hydriques et marines ; transition vers une économie circulaire ; prévention et contrôle de la pollution ; protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

Pour chacun de ces six objectifs environnementaux, le Règlement Taxonomie précise les principes généraux permettant de déterminer celle de ces activités qui apportent une contribution substantielle audit objectif.

La Commission Européenne a adopté un Acte Délégué (l’Acte Délégué « Climat »), relatif aux deux premiers objectifs de la Taxonomie que sont l’atténuation du changement climatique et l’adaptation au changement climatique. Les quatre autres objectifs environnementaux feront l’objet ultérieurement d’actes délégués complémentaires.

  • ne pas causer de préjudice important à l’un des autres objectifs environnementaux ;
  • respecter des garanties minimales en matière de droits humains et de droit du travail visées à l’article 18 du Règlement Taxonomie (en particulier au regard des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales et des principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme).

Enfin, afin de permettre d’évaluer précisément la contribution des activités aux six objectifs environnementaux, la Commission Européenne doit établir, sur la base des travaux d’un groupe d’experts et par voie d’actes délégués, des mesures de performance, appelées critères d’examen technique, qui complètent les principes généraux définis par le Règlement Taxonomie, et dont le respect est requis pour qu’une activité soit qualifiée de durable.

Quelles sont les activités « éligibles » ?

Les activités « éligibles » au titre d’un des objectifs environnementaux sont les activités limitativement listées dans les annexes à l’Acte Délégué « Climat », c’est-à-dire celles susceptibles d’apporter une contribution substantielle audit objectif, indépendamment du fait qu’elles soient conformes aux critères d’examen technique et qu’elles respectent les garanties minimales.

Les obligations d’information du Règlement Taxonomie

Les obligations d’information prévues par le Règlement Taxonomie complètent les règles concernant la publication d’informations en matière de durabilité fixées dans le règlement (UE) 2019/2088 (le Règlement SFDR – voyez notre article).

En vue d’accroître la transparence et afin que les acteurs des marchés financiers donnent aux investisseurs finaux un point de comparaison objectif en ce qui concerne la part des investissements qui financent des activités économiques durables sur le plan environnemental, le Règlement Taxonomie complète les règles sur la transparence dans les informations précontractuelles publiées et dans les rapports périodiques, tels que fixés dans le Règlement SFDR.

La définition d’« investissement durable » qui figure dans le Règlement SFDR inclut les investissements dans des activités économiques qui contribuent à un objectif environnemental, lequel devrait notamment comprendre des investissements dans des « activités économiques durables sur le plan environnemental » au sens du Règlement Taxonomie.

De plus, le Règlement SFDR ne considère un investissement comme étant un investissement durable que s’il ne cause pas de préjudice important à l’un quelconque des objectifs environnementaux ou sociaux tels qu’ils sont énoncés dans ledit règlement.

Afin de déterminer si une activité économique donnée est durable sur le plan environnemental, une liste de six objectifs environnementaux a été élaborée (voyez ci-dessus).

Les obligations en matière d’information qui pèsent sur les entreprises figurent à l’article 8 du Règlement Taxonomie et sont précisées dans un Acte Délégué (l’Acte Délégué « Article 8 »).

En application de l’article 8 du Règlement Taxinomie, les entreprises soumises à l’obligation de publication d’informations extra-financières en application des articles 19 bis et 29 bis de la directive n° 2013/34/UE, modifiée par la directive 2014/95 (NFRD) (c’est-à-dire principalement les établissements de crédit, les entreprises d’assurance et les sociétés cotées dépassant, seuls ou avec leurs filiales consolidées, 500 salariés et un total de bilan de 20 millions d’euros ou un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros) devront inclure dans leur déclaration non financière des informations sur la manière et la mesure dans laquelle leurs activités relèvent d’activités économiques durables.

Il est prévu qu’elles publient les indicateurs clés de performance suivants : « a) la part de leur chiffre d’affaires provenant de produits ou services associés à des activités économiques pouvant être considérées comme durables sur le plan environnemental (…) ; b) la part de leurs dépenses d’investissement et la part de leurs dépenses d’exploitation liées à des actifs ou des processus associés à des activités économiques pouvant être considérés comme durables sur le plan environnemental ».

L’Acte Délégué « Article 8 » définit quant à lui les indicateurs quantitatifs et les informations qualitatives pertinents aux fins des obligations d’information de l’article 8 du Règlement Taxonomie. Il complète l’article 8 en indiquant les indicateurs clés de performance applicables aux entreprises financières et en précisant le contenu et la présentation des informations à publier par toutes les entreprises, ainsi que la méthode qu’elles doivent suivre pour se conformer à leurs obligations d’information.

Ses annexes déterminent notamment de quelle manière les entreprises doivent indiquer la mesure dans laquelle leurs activités sont associées à des activités économiques durables sur le plan environnemental.

Entrée en vigueur

L’Acte Délégué Climat et l’Acte Délégué Article 8 ont été publiés au Journal Officiel de l’Union européenne respectivement les 9 et 10 décembre derniers.

Les obligations au titre du Règlement Taxonomie commencent ainsi à s’appliquer à compter du 1er janvier 2022, en relation avec l’exercice 2021, en ce qui concerne les deux objectifs climat. Des actes délégués seront adoptés par la Commission européenne en ce qui concerne les quatre autres objectifs.

L’Acte Délégué Article 8 prévoit toutefois un régime transitoire pour la première année d’application, du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022, pour tenir compte du fait que les entreprises n’auront pas le temps de collecter toutes les données nécessaires, de procéder à l’évaluation de la conformité de leurs activités économiques avec les critères d’examen technique, et donc de se préparer de manière satisfaisante à leurs obligations. Son article 10 dispose que la publication pour l’exercice 2022 portant sur les données 2021 fait l’objet de mesures de simplification.

En revanche, à compter de l’exercice 2023 portant sur les données 2022, les entreprises devront se conformer intégralement aux règles de cet acte délégué.

S’agissant des quatre autres objectifs environnementaux visés par le règlement Taxinomie, l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2023.

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par Anders Noren.

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