Quelques principes : c’est quoi, une garantie (à première demande) ?
Une garantie bancaire est un mécanisme tripartite par lequel une banque s’engage, à l’égard d’un bénéficiaire, à payer à ce dernier une somme déterminée, dans les cas et selon les modalités déterminés dans une lettre de garantie.
Lorsque la garantie est dite “à première demande”, il suffit au bénéficiaire de s’adresser à la banque conformément au prescrit de la lettre de garantie pour obtenir paiement, sans que la banque n’ait en principe à examiner le bien-fondé sous-jacent de l’appel à garantie. Ainsi, la banque peut par exemple s’engager à payer au bailleur le montant d’une garantie locative sur simple demande, à charge pour le preneur de contester cet appel ultérieurement. En droit des affaires et en droit bancaire international, les garanties à première demande sont fréquentes, et permettent à un créancier d’être rassuré sur l’exécution d’une prestation par un débiteur, que cette prestation consiste en un paiement ou en des actes (l’exécution de travaux par un entrepreneur, ou une livraison d’un bien, par exemple).
En droit bancaire, comment s’analyse une garantie à première demande ?
Une garantie bancaire à première demande est un engagement littéral, autonome et indépendant du banquier à l’égard des parties – le donneur d’ordre et le bénéficiaire – qui ont recours à un tel mécanisme.
Il est impératif que le bénéficiaire d’une telle garantie, recherchant la libération de cette dernière à son profit, en respecte le texte à la lettre[1], à commencer par les conditions d’appel qui y sont stipulées. A défaut, la banque ne libérera pas les fonds.
A contrario, si les conditions reprises dans la lettre de garantie sont strictement respectées, la banque sera obligée de libérer les fonds, indépendamment du contrat principal qui lie le donneur d’ordre et le bénéficiaire[2], sauf appel manifestement abusif de ce dernier (il s’agit d’une notion subjective laissée à l’appréciation du juge appelé à statuer sur la question).
Une fois que la banque s’exécute, elle répercute l’opération sur le donneur d’ordre en débitant son compte, ou en exécutant les garanties dont elle-même dispose à son égard.
L’application et le respect stricts de ces principes relèvent de la nécessaire sécurité juridique en la matière. La banque s’engage presqu’aveuglément et est étrangère au contrat sous-jacent, tandis que le donneur d’ordre n’entend pas voir son banquier se livrer à une interprétation subjective de l’ordre qui lui est donné.
Un cas de jurisprudence à Bruxelles
La majorité des litiges relatifs aux appels de garanties à première demande débutent selon les formes du référé, compte tenu de l’urgence et de l’obligation de la banque – généralement imminente – d’exécuter son engagement. La procédure judiciaire intentée avant la libération de la garantie à première demande par la banque permet parfois de suspendre le paiement qui découlera de l’appel régulier à la garantie.
Une affaire jugée récemment par la Cour d’appel de Bruxelles[3] concernait une garantie locative constituée sous forme de garantie bancaire à première demande (à ne pas confondre avec la garantie locative “classique” généralement rencontrée dans le cadre du bail de résidence principale).
La lettre de garantie prévoyait sa caducité automatique en cas de résiliation anticipée du contrat de bail sous-jacent. Le cas échéant, la garantie devait être appelée “au plus tard un mois à dater du jugement résiliant le contrat de bail, ou à dater de l’accord par lequel preneur et bailleur conviennent de la résiliation“.
C’est en l’espèce un tel accord de résiliation anticipée du bail qui avait été conclu entre les parties. Ces dernières avaient cependant précisé que le bailleur s’abstiendrait de faire appel à la garantie tant que le désormais ex-preneur respecterait un plan de paiement convenu, pour régulariser des arriérés de loyer. La banque était étrangère à cet accord.
Le plan de paiement n’avait pas été respecté par le donneur d’ordre, et le bénéficiaire avait fait appel à la garantie. Pour la banque, l’appel était cependant tardif, puisqu’il intervenait plus d’un mois après la rupture du bail convenue entre les parties concernées. La banque estimait n’être tenue que par le texte strict de la lettre de garantie à première demande, sans avoir égard aux accords conclus entre le donneur d’ordre et le bénéficiaire.
La cour d’appel a validé la thèse de la banque.
Remarque : les garanties bancaires internationales et le crédit documentaire font l’objet de règles d’interprétation publiées par la Chambre du Commerce international et que vous retrouverez ici. Dans un prochain article, nous traiterons du crédit documentaire plus en détail.
[1] Voy. I. COLPAERT, « Bankgaranties, deks de vlag de lading wel ? Ceci n’est pas une garantie bancaire”, in Actualités en droit commercial et bancaire, Liber Amicorum Martine Delierneux, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 163.
[2] Cass., 24 avril 2009, R.W. 2010-11/31, p. 1301-1302 ; Bruxelles, 5 novembre 2015, D.A.O.R 2016, p. 81-84.
[3] Bruxelles, 28 janvier 2019, D.B.F., 2019/06, p. 309 et s. et note J.-P. BUYLE et C. CLAESENS.